jeudi 2 novembre 2023

Frédéric Beigbeder "physionomiste à l'entrée du night club" de la littérature française


 

« Agonisante, frileuse et moralisatrice ». C’est ce qu’est devenue « « notre littérature » selon Frédéric Beigbeder, écrivain mais aussi critique littéraire aguerri, naguère dans « Voici » et sur « Paris Première », aujourd’hui dans « Le Figaro magazine » et sur Radio Classique. Ce  « Dictionnaire amoureux des écrivains français d’aujourd’hui » compte tout de même 609 pages et 281 articles, tous consacrés à des auteurs vivants, « meilleurs confrères et consoeurs » de l’auteur, sur 55 000 recensés par le ministère de la Culture. Parmi eux « le meilleur d’entre nous », Michel Houellebecq, mais aussi Christine Angot, qui « existe, comme Duras en son temps », ayant « réanimé la figure de l’écrivain dans la société française » par « ses fulgurances ou ses colères médiatiques ».

Cet ouvrage n’est donc pas dédié qu’aux amis. « Edouard Louis, comme Ernaux ou Debré, m’exaspère, mais mérite sa place dans ce dictionnaire » déclare l’auteur. Edouard Louis, représentant d’une « dictature du gémissement » , a « la souffrance prévisible » , Olivier Adam lui a « la tristesse sans humour », et chez Laurent Gaudé, « la correction politique est une incorrection envers le lecteur, qui veut être surpris » - mais « les écrivains considérables doivent être considérés ».

Beigbeder a bien sûr ses enthousiasmes. Catherine Millet est « parfois digne de Marcel Proust » - « et je pèse mes mots » précise-t-il.  « Serotonine », avant-dernier opus de Houellebecq mérite une réhabilitation, car il « décrit assez précisément le ras-le-bol et le désespoir qui ont paralysé la France en 2018 ». Plus étonnamment, Jean-Christophe Grangé, « romancier de best sellers commerciaux ultraviolents », se distingue de « vendeurs de soupe incapables de se renouveler » (Musso et Dicker) par son « habileté de scénariste chevronné dans la construction ». 

Il y a enfin les auteurs « perdus ». Comme Richard Millet « le Limousin cancelé », qui publie désormais « dans un silence de mort », ou Marc-Edouard Nabe, qui a commis un « suicide littéraire » :  « sa paranoïa mégalo ayant tourné à l’antisémitisme forcené », « il s’est cancelé tout seul ».  Mais en fait « nul n’est blacklisté involontairement », écrit Beigbeder au sujet de Renaud Camus. Camus, comme Nabe et Matzneff , « savait pertinemment ce qu’il faisait ». Matzneff donc, « ne nous a jamais menti mais nous ne l’entendions pas ».

 

dimanche 2 avril 2023

Rue Copernic, le dossier rouvert 40 ans après

 

L’attentat à la bombe commis le 3 octobre 1980 contre la synagogue de la rue Copernic à Paris (4 morts, des dizaines de blessés) fera l’objet d’un procès dès demain 3 avril, plus de 40 ans après les faits. Clément Weill-Raynal, journaliste spécialiste des affaires judiciaires, retrace dans cette enquête les errements de la justice française dans le traitement de Hassan Diab, professeur de sociologie libano-canadien et seul accusé, qui sera jugé en son absence.

Hassan Diab est défendu par Amnesty International, qui demande dans un communiqué du 15 mars l’abandon des poursuites, jugées « infondées et entachées d’irrégularités ». A la lecture de l’enquête, les arguments de l’ONG paraissent faibles et la culpabilité du sociologue très vraisemblable, du fait notamment que l’accusation repose sur un gros faisceau d’indices très concordants.

Clément Weill-Raynal se penche notamment sur l’ordonnance de non-lieu rendue en 2018, permettant la libération de Hassan Diab, extradé en 2014 et incarcéré en France pendant 3 ans.  Les magistrats prennent notamment « pour argent comptant » la version d’une amie du mis en cause, alors que sa déposition est  «manifestement émaillée de contradictions, d’invraisemblances et de mensonges ».

Se dessine au fil des pages une nouvelle version du « pacte de non-agression » qu’Yves Bonnet , ex- patron de la DST, a reconnu avoir passé avec le chef terroriste Abou Nidal : « plus d’attentats sur le sol français » contre l’engagement de « ne pas être poursuivi en France ». Mais apparaît aussi le statut accordé au FPLP, mouvement palestinien ciblé par l’enquête, qui « bénéficiait d’un certain crédit » en Europe, comme l’écrivent les juges dans l’ordonnance de non-lieu, ainsi qu’un  « déni spécifique » dans le cas de cet attentat « clairement antisémite »,  alors qu’ « en France, la lutte des Palestiniens demeure une cause sacrée ». 

Il aura fallu l’obstination du parquet pour qu’après plus de 3 ans le non-lieu soit annulé et Hassan Diab renvoyé devant une cour d’assises spéciale. « Jamais, dans une affaire de terrorisme, les magistrats de la cour d’appel n’ont ainsi désavoué des juges d’instruction », souligne l’auteur.

dimanche 26 mars 2023

Pegasus ou la face cachée des "Leaks"

 





Le 18 juillet 2021 « Le Monde » et seize autres rédactions rapportent que 50 000 numéros de téléphone ont été « potentiellement ciblés » par Pegasus, logiciel espion de la société israélienne NSO, pour le compte d’une dizaine d’Etats. Ce sont les failles de ce dossier, « partagé » avec les médias par deux ONG, Amnesty International et Forbidden stories, que pointe le journaliste suisse Alain Jourdan dans son ouvrage « Pegasus , les dessous d’une guerre de l’information » (Le Cherche midi).

Les deux ONG, accuse-t-il, « ont préféré l’effet de loupe à la vérité » Pourquoi n’évoquer que NSO, alors le logiciel Pegasus « n’est pas unique en son genre », et pourquoi n’incriminer aucun Etat occidental hormis la Hongrie alors que comme le révélera le Parlement européen en 2022, pas moins 12 Etats membres de l’Union européenne utilisent le logiciel ? De même « très peu de noms de ressortissants américains ont paru » dans les « Panama Papers » et les enquêtes sur les paradis fiscaux « ont largement fait l’impasse sur le Delaware ».

Alors qu’enquêter est une affaire «de très longue haleine », dans le cas des « Leaks » « il pleut des trombes de gigas » « sur la tête de journalistes sélectionnés, qui n’avaient pourtant rien demandé » et qui « n’ont aucun moyen de vérifier les milliers de documents qu’ils reçoivent». Les journalistes paraissent portés à penser que si une ONG est « du bon côté » ce qu’elle dit « peut être pris pour argent comptant ».

Or dans l’affaire Pegasus, des numéros de téléphone fixe sont inclus dans la liste des cibles alors que le logiciel n’infecte que les téléphones mobiles. Des experts relèvent par ailleurs que « ce n’est pas nécessairement parce qu’un numéro a été inclus qu’il a été compromis , qu'infecter des dizaines de milliers de numéros aurait « un coût faramineux » et que cela reviendrait à « se noyer dans un gigantesque flux de données » .

Dans cette affaire, les « révélations » faites à la presse en 2021 « font figure d’épilogue » d’un combat engagé depuis 2017 par plusieurs ONG américaines contre NSO, des ONG dont les dirigeants ont par ailleurs pu passer par les agences gouvernementales américaines et les cabinets d’avocats.
 
Avec « des rédactions réduites au rôle de diffuseurs », les cabinets d’influence « sont surs d’inonder tous les médias » en alimentant « un seul canal », dénonce Alain Jourdan : elles n’ont même plus à « entretenir un réseau de contacts dans chaque rédaction ».

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