« Agonisante, frileuse et moralisatrice ». C’est
ce qu’est devenue « « notre littérature » selon Frédéric
Beigbeder, écrivain mais aussi critique littéraire aguerri, naguère dans « Voici »
et sur « Paris Première », aujourd’hui dans « Le Figaro magazine »
et sur Radio Classique. Ce « Dictionnaire amoureux des écrivains
français d’aujourd’hui » compte tout de même 609 pages et 281 articles,
tous consacrés à des auteurs vivants, « meilleurs confrères et consoeurs »
de l’auteur, sur 55 000 recensés par le ministère de la Culture. Parmi eux
« le meilleur d’entre nous », Michel Houellebecq, mais aussi Christine
Angot, qui « existe, comme Duras en son temps », ayant « réanimé
la figure de l’écrivain dans la société française » par « ses
fulgurances ou ses colères médiatiques ».
Cet ouvrage n’est donc pas dédié qu’aux amis. « Edouard
Louis, comme Ernaux ou Debré, m’exaspère, mais mérite sa place dans ce
dictionnaire » déclare l’auteur. Edouard Louis, représentant d’une « dictature
du gémissement » , a « la souffrance prévisible » , Olivier Adam
lui a « la tristesse sans humour », et chez Laurent Gaudé, « la correction
politique est une incorrection envers le lecteur, qui veut être surpris » -
mais « les écrivains considérables doivent être considérés ».
Beigbeder a bien sûr ses enthousiasmes. Catherine Millet est
« parfois digne de Marcel Proust » - « et je pèse mes mots »
précise-t-il. « Serotonine »,
avant-dernier opus de Houellebecq mérite une réhabilitation, car il « décrit
assez précisément le ras-le-bol et le désespoir qui ont paralysé la France en
2018 ». Plus étonnamment, Jean-Christophe Grangé, « romancier de best
sellers commerciaux ultraviolents », se distingue de « vendeurs de
soupe incapables de se renouveler » (Musso et Dicker) par son « habileté
de scénariste chevronné dans la construction ».
Il y a enfin les auteurs « perdus ». Comme Richard
Millet « le Limousin cancelé », qui publie désormais « dans un
silence de mort », ou Marc-Edouard Nabe, qui a commis un « suicide
littéraire » : « sa paranoïa
mégalo ayant tourné à l’antisémitisme forcené », « il s’est cancelé
tout seul ». Mais en fait « nul
n’est blacklisté involontairement », écrit Beigbeder au sujet de Renaud
Camus. Camus, comme Nabe et Matzneff , « savait pertinemment ce qu’il
faisait ». Matzneff donc, « ne nous a jamais menti mais nous ne
l’entendions pas ».